Des chiffres de l’Oms rappelés lors de la formation en ligne des journalistes et leaders des mouvements féministes le 6 mars dernier. Une initiative de la Task force média DSSR avec l’appui de l’Organisation pour le dialogue sur l’avortement sécurisé.
Par Adrienne Engono Moussang
La Task force média pour les droits sexuels et la santé de reproduction (DSSR), composée des journalistes, des blogueurs et des influenceurs pour la lutte contre les violences basées sur le genre, en particulier, l’accès à l’avortement sécurisé en Afrique francophone, a mobilisé ses membres et d’autres acteurs féministes le 06 mars 2025. Une formation en ligne initiée par la coordination de la Task force assurée par le confrère Benn Michodigni du Bénin, avec l’appui de l’Organisation pour le dialogue sur l’avortement sécurisé (ODAS). Les échanges ont porté sur les mutilations génitales féminines et l’avortement sécurisé. Ceci dans le cadre de la commémoration de Journée internationale des droits de la femme, le 08 mars et celle de la « Tolérance zéro aux mutilations génitales féminines » observée la 06 février de chaque année. Il était question d'intéresser davantage des professionnels des médias aux thématiques sur les droits sexuels et la santé de reproduction, parfois négligées dans les salles de rédaction.
Des experts en droit, en sociologie, en anthropologie, en santé, en communication, etc. se sont succédés pour partager leurs expériences afin de permettre à la soixantaine de journalistes et autres féministes de renforcer leurs capacités en matières de lutte contre la violation des droits et de la dignité de la femme, avec un narratif approprié et sans stigmatisation.
Les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (Oms), rappelés par l'un des panelistes, le Dr Dieudonné Tougbeto, médecin certifié en santé de reproduction au Bénin, donnent froid dans le dos : « Plus de 230 millions de femmes vivantes ont subi des mutilations génitales féminines dans 30 pays au monde, selon l’Oms, en 2025. Quatre continents sur les cinq en sont concernés », a révélé le médecin. Lui qui cite quatre types de mutilations génitales féminines, cette opération qui se fait dans des conditions d'hygiène risquées et qui consiste en l'ablation partielle ou totale des parties intimes de la femme ( clitoris et lèvres, principalement) relève qu’elles ont des conséquences néfastes pour les victimes. Ces conséquences vont des hémorragies à la mort en passant par la difficulté à uriner, les infections sexuellement transmissibles, le VIH et le sida, et même la crise cardiaque étant donné que : « le clitoris est la partie la plus innervée du corps humain », a-t-il indiqué. Pour le Dr. Tougbeto, l’avortement non-sécurisé, celui qui se déroule dans un milieu inapproprié, avec un matériel et un personnel moins rassurants, a des impacts souvent difficiles à gérer tels que l’endométriose (infection très grave l’utérus qui peut causer des abcès). Même le pratiquant de l’avortement non-sécurisé peut aussi subir les conséquences néfastes de son acte avec des menaces sur la suite de sa carrière.
Le spécialiste de la santé n’est cependant pas resté alarmiste face à tous ces méfaits. Il a suggéré que les victimes des avortements non-sécurisés, plutôt que d'être repoussées, reçoivent un accompagnement pluridisciplinaire, selon l’approche « One Health, Une seule santé » avec des soins de santé sûrs, efficaces, efficients, accessibles et disponibles.
Protocole de Maputo
Les instruments nationaux, régionaux et internationaux existants offrent d'ailleurs une protection aux victimes. Seulement, celles-ci n’en sont pas toujours informées. D’où la nécessité, selon Aziz Mandiang, spécialiste du plaidoyer au Bénin, d’élaborer justement des plaidoyers efficaces qui mettent les communautés au centre de tout, et de mener des campagnes de sensibilisation contre les viols, l’inceste en utilisant des arguments plausibles pour partager toutes les bonnes pratiques. Briser le silence, en un mot.
Toutefois, pour que les actions engagées dans le cadre de la lutte contre ces violences basées sur le genre et la promotion de l’accès à l’avortement sécurisé pour les cas éligibles et tolérance zéro aux mutilations génitales féminines obtiennent de bons résultats, le discours doit se débarrasser de stigmas ( que ce soient les messages ou les visuels). « Eviter de minimiser l’acte (mutilations génitales féminines, par exemple). Pour l’avortement sécurisé, éviter les images de bébés, éviter de parler de grossesse, véhiculer les messages tels que l’accompagnement de la femme, valoriser l’honneur de la famille, de la tribu ; parler de l’intégrité de la femme, entre autre », a conseillé Murielle Edoua, militante engagée pour les DSSR et rédactrice-en- chef à la nouvelle chaine ivoirienne à Abidjan.
L’avortement est proscrit dans la plupart des pays d’Afrique et du monde francophone, à l’instar du Cameroun. Seulement, le Protocole de Maputo, charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, en vigueur depuis 2005 et signé par la majorité des Etats du continent, l’autorise en cas de viols, d’inceste et lorsque la santé de la mère est en danger. Mais, près de deux décennies après la signature de ce texte, sa ratification reste attendue dans certains pays.
Or, les mutilations génitales féminines et le non-accès à l’avortement sécurisé pour les cas éligibles entravent l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, deux cibles du 5ème Objectif du développement durable (Odd5) des Nations Unies. Il faut dire que l’évaluation de cet Odd et de tous les autres est prévue en 2030. Seulement dans cinq ans !
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