Pourtant qualifié de dangereux pour la santé humaine, animale et environnementale, cet herbicide, acheté comme de bouts de pain, est abusivement utilisé dans les villages par des cultivateurs abandonnés à leur sort. Le Roundup est naïvement déversé sur des champs de tubercule comme ceux de produits de rente.
Après une quarantaine d’années passées en ville dans l’exercice de ses fonctions comme commis de l’Etat, Paulin G., la soixantaine sonnée, a pris la résolution d’aller dans son village pour créer ses champs. Au téléphone, son cousin du village qu’il a consulté sur place lui a recommandé de ne pas débarquer sans le Roundup. « Autrement dit, tu ne vas pas t’en sortir. Les herbes nous manquent de respect ici et c’est depuis que nous avons découvert ce produit que nous avons moins de stress que nous imposait le désherbage. Il faut en apporter suffisamment parce que tu vas aussi nous approvisionner », a insisté le cousin de Paulin.
Dans ce village, comme dans bien d’autres, ce pesticide a le vent en poupe, à cause de son prix abordable : 5000Fcfa (environ 9 dollars) pour un bidon d’un litre et demi.. Il est déversé pour le nettoyage des espaces prévus pour accueillir du maïs, du bananier plantain, du palmier à huile, du cacaoyer mais aussi des arachides, du macabo, du manioc, du taro, etc. Faute d’encadrement par des spécialistes, chaque utilisateur choisit sa dose en fonction de la quantité de produit dont il dispose et du résultat escompté. Femmes, enfants et hommes se prêtent à l’exercice pour limiter les fatigues du désherbage.
Une plainte a été déposée le 25 mars 2025 auprès du Tribunal de l’Union européenne
Une étude récemment publiée dans le journal scientifique PNAS, Emmett Reynier, doctorant en économie, et Edward Rubin, professeur assistant en économie, à l’Université d’Oregon, aux Etats-Unis a révélé que l’exposition au glyphosate a un impact négatif sur la santé périnatale. Les deux chercheurs ont fait appel à la variation spatio-temporelle de l'adoption des cultures génétiquement modifiées pour quantifier le signe et l'ampleur de l'externalité sur la santé humaine, qui a résulté de l'adoption généralisée des cultures génétiquement modifiées et de l'augmentation rapide du glyphosate.
Une plainte a été déposée le 25 mars 2025 auprès du Tribunal de l’Union européenne demandant une intervention pour le soutien du recours en annulation du refus de la Commission européenne, qui, selon les associations ayant saisi la juridiction, « n’a pas respecté le principe de précaution ancré dans le droit européen. La santé humaine et l’environnement doivent primer sur les intérêts économiques des fabricants de pesticides. » ces associations rappellent que « le glyphosate est classé « cancérogène probable » pour l’homme depuis 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), et que cet herbicide est supposément associé au développement de maladies neurodégénératives telles que Parkinson »
« L'effet du glyphosate sur le poids des naissances, dans le décile inférieur, est 12 fois plus important que dans le décile supérieur. L'ensemble de ces estimations suggère que l'exposition au glyphosate a entraîné des coûts de santé non documentés et inégaux, pour les communautés rurales américaines, au cours des 20 dernières année. Nos résultats suggèrent que le glyphosate a des effets néfastes sur la santé périnatale, déduction faite des avantages liés à la réduction de l'utilisation d'autres herbicides. Ces effets néfastes se concentrent sur les naissances les plus à risque », a indiqué la recherche », rappelle l’étude menée par mes enseignants de l’Université d’Oregon, aux Etats-Unis.
Docteur en chimie organique et substances naturelles et enseignant chercheur à l’Institut des sciences appliques (ISA), à l’université des sciences techniques et des technologies de Bamako (USTTB), Mamadou Badiaga a des souvenirs du glyphosate. « En 2016, lorsque j’étais dans un complexe agro-industriel, à chaque fois qu’on utilisait le glyphosate, le lendemain, on trouvait que le poisson flottait sur l’eau du canal qui était à côté de l’exploitation. Sa toxicité est accrue, selon que vous l’inhalez ou l’absorbez par voie orale ; il peut provoquer des troubles pulmonaires, des picotements aux yeux. (…). En tant que chimiste, je sais que c’est un acide organique », a-t-il dit à Mongabay par WhatsApp. « Généralement, nous savons que les herbicides, compte tenu de leur concentration, diminuent les capacités cognitives des enfants. Beaucoup d’enfants autistes dans les milieux ruraux en sont des victimes ».
Une étude parue dans journals.openedition.org titrée « Pratiques d'utilisation des pesticides en agriculture maraîchère de bas-fonds à Yaoundé » a été réalisée dans le but, justement, d’identifier quelques pratiques d’utilisation des pesticides de synthèse et la perception de l'utilisation des extraits botaniques par les producteurs des bas-fonds-marécageux de la ville de Yaoundé par Marina Mouliom, Georges Fangue et Romaric Mouafo, des chercheurs à l’université de Yaoundé I et de Québec Sherbrooke au Canada. Ces auteurs ont conclu que cette activité est menée par une population jeune peu scolarisée, dont le manque de formation et de conseils techniques en agriculture conduit à des risques vis-à-vis des pesticides de synthèse. « Ils connaissent les biopesticides à base d'extraits de plantes sauvages, mais ne les utilisent que très peu, et ceci, essentiellement en cas de manque d'argent pour l'achat des pesticides de synthèse », selon les auteurs.
« Si les extraits de plantes sauvages représentent une alternative à l'utilisation abusive des pesticides de synthèse, il est primordial de les rendre accessibles, efficaces et moins coûteux. Aussi, faut-il évaluer l'impact de ces biopesticides sur la croissance des plantes cultivées, afin de faciliter leur adoption par les maraîchers », ont recommandé les auteurs dans un courriel à Mongabay..
« Tous les pesticides sont dangereux. En effet, ils sont synthétisés pour tuer le vivant.
Sur la question du glyphosate, l'opinion internationale est divisée. Malheureusement, personne ne peut dire aujourd'hui quel est le véritable impact de cette molécule sur la santé humaine », ont soutenu Mouliom, Fangue et Mouafo, rejoignant ainsi le Dr Badiaga.
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