La structure basée dans l’arrondissement de Soa, reçoit plus de 50 clientes par an. Elles arrivent avec des complications telles que des saignements abondants et des infections et repartent complètement guéries.
La structure basée dans l’arrondissement de Soa, reçoit plus de 50 clientes par an. Elles arrivent avec des complications telles que des saignements abondants et des infections et repartent complètement guéries.
Basé à Soa, banlieue située à une quinzaine de kilomètres de la Yaoundé dans le département de la Mefou et Afamba, le Centre médical de la Cameroon National Association of Family Welfare (CAMNAFAW) affiche fière allure en ce mercredi 25 septembre 2024, veille de la célébration de la Journée Internationale de la contraception, trois jours avant la Journée internationale de l’avortement sécurisé dont le thème est : « Solidarité pour l’avortement sécurisé. » C’est l’un des centres d’information et de soins que compte la CAMNAFAW, une organisation non-gouvernementale pour le bien-être créé en 1987. « Nous offrons beaucoup plus des services en santé de reproduction ; la consultation en médecine générale, la pédiatrie, la petite chirurgie, les accouchements », indique Estelle Rose Ndémé Ongagna, infirmière accoucheuse, responsable du centre médical.
« Dans la santé de reproduction, nous faisons les consultations prénatales, la prévention et la prise en charge des avortements recommandés par le système de santé, parce qu’il en a qui ne sont pas légaux », précise Estelle Rose Ndémé. « Nous pratiquons ce qui est légal, autorisé par le code pénal. En fait, pour bien spécifier, l’avortement c’est celui dont a droit une femme enceinte dont la santé est menacée, là, on peut lui faire un avortement. Si, par exemple, elle a un œuf clair, il ne s’agit pas d’une grossesse en tant que telle puisqu’elle n'a pas d'embryon et qui ne va pas aboutir », renseigne-t-elle.
Estelle Rose Ndémé Ongagna revient sur la démarche qui précède l’évacuation d’un œuf (fœtus) clair. « Quand c'est dépisté très tôt, on demande des échographies et on donne rendez-vous deux semaines après, parce que généralement, dans la première échographie, on ne décèle pas d'activité cardiaque. Si lors du prochain rendez-vous, on ne décèle pas d’activité cardiaque, cela signifie qu’il s’agit d’un œuf clair. Il y a aussi que si la vie de la maman est menacée à cause par exemple du diabète, de l’hypertension artérielle il est difficile que celle-ci supporte une grossesse. Il y a les malformations congénitales ; le paludisme, qui est vraiment l'une des premières causes d'avortement chez la femme enceinte. Dans ces cas-là, quand elles arrivent, on va les prendre en charge, on va faire les soins qu'il faut. Et puis pour celles qui désirent avoir une autre grossesse, on va les accompagner », ajoute-t-elle.
Ce même 25 septembre, dans l’une des salles des soins du Centre, Solange M. reçoit des soins. Agée de 34 ans, Solange, déjà mère de deux enfants, a officialisé son union avec son époux il y a trois ans. Et depuis là, le coupe cherche son troisième enfant. Il y a six mois, Solange a eu un retard mais la grossesse n’ira pas à son terme. « Je suis arrivée au Centre parce que je ressentais des douleurs depuis le troisième mois. Le résultat de l’échographie que m’avait prescrite le médecin a montré que je portais plutôt un œuf clair (une grossesse qui n’allait pas aboutir). La deuxième échographie a présenté la même chose. Le médecin m’a proposé de me faire avorter », explique Solange M. Grâce à l’accueil que lui a réservé le personnel soignant du Centre, la jeune femme, qui ne voulait rien entendre au départ, va accepter le service proposé. « La grossesse était déjà à six mois. J’avais peur, j’étais stressée. Mais lorsque je suis arrivée ici au Centre, le personnel m’a rassurée qu’après l’évacuation, Dieu peut encore m’envoyer la chance de tomber enceinte, cela m’a remontée et j’ai accepté la solution qu’ils me proposaient. J’ai compris qu’il y a des grossesses qui viennent avec des problèmes et que si je m’entête, ça ne sera pas une bonne chose puisque si le médecin te dit ce que la machine confirme par deux fois, il faut suivre. A cause de l’accueil et de la prise en charge dont je bénéficie depuis que je suis arrivée, je suis prête orienter mes proches dans ce Centre en cas de souci », pointe-t-elle.
Promotion de l’avortement
Même si les services sont rendus dans le souci de sauver des vies, dans certains milieux, la CAMNAFAW a souvent la réputation d’une organisation qui promeut l’avortement dans une société camerounaise qui condamne fermement la pratique dans son code pénal. « C'est vrai que la CAMNAFAW a cette réputation-là mais nous contribuer à lutter contre la mortalité maternelle. Parce doté d’un cadre adéquat, d’un personnel qualifié, si nous refusons d'offrir le service, c'est envoyer la femme ou la jeune fille au quartier se débrouiller par elle-même. Et bienvenues les complications, voire la mort », réplique la responsable du Centre de la CaMNFAW, en rappelant qu’ils n’interviennent que pour les cas éligibles par le code pénal. « L'avortement sécurisé, explique le Dr Fouelifack, gynécologue, est celui qui se déroule dans un cadre adéquat, avec un personnel qualifié et formé. » « C'est l’avortement sécurisé que nous pratiquons ici. Nous ne nous permettons pas de jouer avec la vie des gens. Et quand on se retrouve devant une situation qui n'est plus de notre ressort, on la réfère au niveau supérieur », soutient Mme Ndémé. L’avortement clandestin, qualifié de non sécurisé et à risque, se fait dans un lieu non approprié avec un matériel et un personnel non-formé.
Le Centre médical de la CAMNAFAW doit sa réputation à la qualité de l’accueil. « L’avortement a commencé à la maison, j’avais aussi une douleur qui n’était pas très forte ; j’ai paniqué parce que je n’avais jamais subi un tel choc. Mais lorsque je suis arrivée au Centre médical j’ai été très surprise par le bon accueil. Le prestataire a géré mon souci, elle m’a rassurée, elle m’a donné des conseils, elle a pris soin de moi. La grossesse était à deux mois une semaine. Des conseils reçus, j’ai retenu que, dès les premiers signe d’alerte, il faut rapidement se rendre dans un centre de santé ou à l’hôpital étant donné que moi j’avais vraiment trainé à la maison », relève une patiente de 33 ans hospitalisée, elle aussi au Centre.
Mme Ndémé Ongagna déplore la stigmatisation que subissent des clientes dans des formations médicales. « Nous sortons de chez nous tous les matins pour poser des actes nobles afin de contribuer à la lutte contre la mortalité maternelle. Une femme ne peut donc pas arriver ici, parce qu’elle a expulsé son fœtus et nous la jugeons. On ne doit pas la stigmatiser », insiste-t-elle. La Société de gynécologues obstétriciens du Cameroun (SOGOC) travaille sur cette gangrène qui impacte sur la fréquentation des centres médicaux pour des services de santé sexuelle et reproductive. « Le personnel n’a pas le droit de blâmer une cliente. Nous sommes en train de travailler pour que les mentalités changent. SOGOC prépare une documentation dans ce sens », a renseigné le Dr Anny Ngassam, secrétaire général adjointe de SOGOC
50 à 60 cas par an pour une moyenne de 5 à 6 cas par mois sont reçus au Centre ; selon les dires de Mme Ndémé, la période de pluie et les vacances sont favorables aux grossesses avec des filles qui vadrouillent, malgré la sensibilisation, et qui, une fois la rentrée scolaire venue autour d'octobre, novembre, commencent à boire des potions pour se débarrasser des grossesses et se retrouvent avec des complications.
Accompagnement psychologique
Le Centre médical de la CAMNAFAW reçoit également des cas de viols. « La fille qui a subi un viol, révèle Mme Ndémé, vient parce qu'elle se sent mal, sur le plan psychologique ; parfois, elle est dans sa chambre, elle pleure et puis on va lui dire va expliquer ton problème, peut-être qu'on peut t'aider, te montrer les procédures pour la plainte, si tu connais ton bourreau, etc. Généralement, on va insister sur l'aspect psychologique, beaucoup lui donner les conseils, beaucoup parler avec elle, lui faire comprendre que ce n'est pas une fatalité. Lui donner la contraception d’urgence si elle est arrivée dans les 2 jours après le forfait, pour que si jamais, il y a une grossesse, elle soit stoppée. » En dehors de cette écoute : « On peut faire quelques examens, dépistage du VIH, lui demander la dernière fois quand elle a fait son test, qu’elle passe confirmer dans 3 mois, parce que c'est à ce moment-là qu'on peut déjà voir si elle a été contaminée. On peut discuter avec elle de temps à autre. Parce qu'il y a d'autres qui ont peur elles font des examens et reçoivent la contraception d'urgence, elles sont soulagées et rentrent tranquilles », ajoute-t-elle.
Des saignements importants et des infections
« Les cas de complications que nous recevons dans notre Centre, sont liés à des saignements importants et des infections. Nous réussissons à gérer tout cela par les différentes méthodes que nous avons ici. Nous procédons à l'antibiothérapie et tout ce qui va avec. Et la femme recouvre sa santé. Lorsqu’une femme arrive dans un état de saignement abondant suite à un avortement provoqué, nous faisons l'aspiration pour nettoyer totalement l'utérus. A celles qui viennent avec un retard de deux jours nous donnons une contraception d’urgence », confie la responsable du Centre.
Estelle Rose Ndémé Ongagna est une militante engagée de l’avortement sécurisé pour les cas éligibles. Son engagement lui a valu des inimitiés et même une interpellation. « J'ai été arrêtée pendant que j'étais en plein counseling avec une femme déguisée en cliente. Je lui ai présenté les méthodes de contraception et les options d'avortement. C'était un avortement médicalisé qu'elle avait dit vouloir choisir. Elle disait qu'elle a déjà 38 ans, elle a déjà beaucoup d'enfants et elle n’e voulait plus. J'ai essayé de discuter avec elle et lui faire comprendre que le tout n'est pas d’en arriver à l’avortement mais le plus important, c'est la prévention. Il fallait qu'elle choisisse une méthode contraceptive. Elle a choisi la pilule. Et subitement, deux hommes ont fait irruption dans ce bureau et m'ont demandé de tout arrêter », rapporte-t-elle. Elle sera libérée grâce au soutien de ses collègues et surtout du Directeur exécutif de la CAMNAFAW.
Projet ACAC
L’avortement n’est pas légalisé au Cameroun. Toutefois, exceptionnellement, le code pénal autorise cette pratique en cas de viol, d’inceste ou de souci de santé de la mère. Il faut suivre une procédure dont la durée n’accorde pas toujours la chance à la cliente de bénéficier du service. Car l’aboutissement de celle-ci peut correspondre à la date d’accouchement de la victime.
Pour des spécialistes de la santé de reproduction, s’il faut attendre l’amélioration de la législation, il demeure nécessaire que le Cameroun pense à rendre disponibles des soins sécurisés d’avortement, devenu un véritable problème de santé publique. Le taux de mortalité dans le pays est l’un des plus élevé au monde, malgré les efforts pour sa réduction : 406/100.000 naissances vivantes. Une étude de la SOGOC, bien qu’en cours de validation, révèle que 13 à 40% de cas de complications dans les services de maternité sont liées aux avortements à risques. L’OMS chiffre à 8,3 millions, le nombre de cas d’avortement à risque en Afrique en 2023, la majorité a été enregistrée chez les jeunes femmes de 15 à 24 ans. Soit, 60% de tous les avortements à risque notifiés dans le monde.
Faciliter l’accès aux services sécurisés d’avortement est la principale raison d’être du projet « ACAC » qui est, Advocacy for Comprehensive Abortion Care, en français Plaidoyer pour l’accès aux services sécurisés d’avortement. Sans enfreindre à la réglementation, le projet ACAC souhaite simplement que le Cameroun applique l’article 14, alinéa C du Protocole de Maputo qu’il a signé, et l’article 239 du code pénal camerounais.
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