Dans une décision de dénonciation signée le 02 octobre 2024, l’Union européenne annonce son intention de mettre fin à l’Accord de partenariat volontaire pour le commerce du bois en provenance du Cameroun sur son espace. La dégradation du secteur forestier camerounais à cause du non-respect de la gestion durable des ressources, parmi les raisons avancées.
« La République du Cameroun n’a pas été en mesure de respecter pleinement ses obligations au titre de l’APV au cours de ces dix dernières années et la gouvernance du secteur forestier s’est dégradée malgré l’existence de l’APV. Les exportations de bois de la République du Cameroun ont, en outre, été réorientées vers les marchés asiatiques, ce qui a eu pour effet de diluer l’incitation économique de l’APV et, partant, l’utilité de l’autorisation FLEGT », c’est un extrait de la lettre de dénonciation émise par le Conseil de l’Union européenne (EU). « L’exploitation des forêts reste un secteur économique important pour la République du Cameroun et garantir la légalité et la durabilité des pratiques en la matière n’est pas chose aisée. De nombreuses enquêtes révélant l’état lamentable dans lequel se trouve le secteur forestier ont été réalisées, pointant du doigt la participation d’entreprises privées, tant étrangères que nationales, et d’acteurs du secteur public à un commerce de bois d’origine illégale représentant plusieurs millions de dollars. Rapport de synthèse CIFOR- ICRAF sur les APV et rapport intitulé «Tainted Timber, Tarnished Temples» – EIA Global (eia-global.org) », indique l’UE dans la dénonciation faite le 02 octobre 2024.
En effet, apprend-on du document, adopté en 2003, le plan d’action de l’Union européenne pour l’application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux (FLEGT) vise à accompagner la lutte contre l’exploitation illégale des produits de la forêt sur le plan mondial. Ainsi, tout pays lié à l’Union européenne par l’APV/FLEGT doit vérifier, garantir et certifier la légalité du bois commercialisé sur le marché européen.
Le Cameroun a signé l’Accord avec l’Union européenne ; celui-ci entrera en vigueur le 1er décembre 2011. « Les parties se sont engagées à prendre toutes les mesures nécessaires à la mise en œuvre du régime d’autorisation FLEGT, s’accordant sur un calendrier de mise en œuvre qui fait partie intégrante de l’APV. Conformément à ce calendrier, le régime d’autorisation aurait dû être mis en place dans les cinq ans suivant la réforme du cadre juridique, l’amélioration des systèmes nationaux de contrôle et la mise en place du système de vérification de la légalité et du système de traçabilité, qui auraient toutes dû être terminées dans un délai de trois à quatre ans. La République du Cameroun s’était alors fixé un calendrier des plus ambitieux pour bien marquer sa volonté politique, renforcer la dynamique qui s’était fait jour parmi l’ensemble des parties prenantes et mobiliser les ressources nécessaires à la mise en œuvre de l’APV », rapporte la décision de dénonciation.
Sauf que, poursuit la décision : « Cela fait toutefois 13 ans désormais que l’APV est entré en vigueur et le régime d’autorisation FLEGT n’a toujours pas vu le jour, ce qui revient à dire que l’APV n’est pas opérationnel. La volonté politique du Cameroun s’est estompée, ce qui s’est avéré préjudiciable à la mise en œuvre de l’APV et à l’engagement pris par la République du Cameroun d’atteindre ses objectifs, en particulier en ce qui concerne la délivrance d’autorisations FLEGT. La réforme du cadre juridique n’est pas allée à son terme et l’exploitation des forêts s’effectue toujours en partie sur la base de petits titres d’exploitation (ventes de coupe) ne nécessitant aucun plan d’aménagement. Les systèmes nationaux de contrôle ne sont pas opérationnels, de sorte que l’application des réglementations et la gouvernance demeurent médiocres, permettant la poursuite d’opérations d’abattage illégales et portant atteinte à l’environnement. La mise au point du module de vérification de la légalité intégré dans le système de traçabilité est toujours en cours et les rares progrès accomplis à ce jour n’ont toujours fait l’objet d’aucun audit indépendant susceptible d’attester sa crédibilité. »
L’Union européenne déplore que l’exploitation illégale du bois se soit plutôt accentuée. « Entre 2011 et 2022, 900 000 hectares de couvert forestier ont été perdus, soit 5 % de la totalité du couvert forestier du pays. […] De son côté, 20 ans après l’adoption du plan d’action FLEGT, l’UE a renforcé son action en matière de protection et de restauration des forêts de la planète, adoptant un règlement sur la déforestation dont l’objet est de limiter autant que possible la contribution de l’UE à l’exploitation illégale des forêts, à la déforestation et à la dégradation des forêts, ainsi qu’aux émissions de gaz à effet de serre et à l’appauvrissement de la diversité biologique. Dans le contexte de cette nouvelle politique de l’UE, le rôle complémentaire des APV au regard de l’exploitation illégale des forêts est reconnu et le bois qui fait l’objet d’une autorisation FLEGT est réputé satisfaire aux exigences de légalité conformément au considérant.»
Porte-drapeau à l’échelle mondiale
« Le règlement de l’UE sur la déforestation remet fortement l’accent sur l’objectif des APV, à savoir le régime d’autorisation FLEGT, en précisant que la coopération avec les partenaires APV peut se poursuivre si elle est jugée utile8, en d’autres mots si l’APV est en bonne voie d’atteindre ses objectifs et si ces derniers correspondent encore aux besoins et priorités actuels et futurs. L’état de mise en œuvre de l’APV avec le Cameroun ces dix dernières années indique que les objectifs de l’APV, et notamment le régime d’autorisation FLEGT, ne cadrent pas avec la politique adoptée par la république du Cameroun à l’égard de ce secteur », peut-on lire dans la décision.
Pour l’Union européenne, la poursuite de l’APV au Cameroun, en dépit de ces difficultés, pourrait nuire à la crédibilité de cette institution tant que porte-drapeau à l’échelle mondiale des questions liées à la protection des forêts et de la biodiversité et porter préjudice à l’intégrité des APV en tant qu’instruments commerciaux de l’Union européenne. Notre volonté à obtenir une réaction des responsables n’a pas eu d’effet.
SIGIF II et collaboration tumultueuse
Le système informatique de gestion de l’information forestière de deuxième génération (SIGIF II), présenté comme l’outil par excellence de traçabilité et de légalité dans les exportations des bois camerounais sur le marché européen, a été lancé le 1er avril 2021 par le Cameroun. Ce démarrage, saluée par le gouvernement camerounais, des opérateurs du sous-secteur forêts et des organisations de la société civile nationale œuvrant pour la conservation de la biodiversité, qui reconnaissaient au système la capacité à réduire les pertes en temps et en argent, n’a pas reçu l’onction de l’Union européenne (UE) et de la Coopération allemande qui ont financé la mise en place du système. Ils ont manifesté leur désengagement pour la version du système lancé, au travers d’une correspondance prenant à témoin la communauté nationale et internationale.
« Si l’UE et la Coopération allemande se réjouissent que le Cameroun puisse se doter d’un outil national qui lui soit propre, visant à répondre à ses besoins internes, la version présentée du SIGIF II n’est pas l’instrument attendu dans le cadre de l’APV Flegt ». En quelque sorte, une manière de dire que tout bois en provenance du Cameroun dans ces conditions ne sera pas vendu dans l’UE parce que « les certificats émis par le SIGIF II ne pourront pas être reconnus ou validés dans le cadre du Règlement bois de l’Union européenne (RBUE), et encore moins dans le cadre de futures autorisations Flegt », pointait alors la correspondance.
Or, malgré les difficultés techniques liées au débit d’Internet reconnues, d’après le bilan présenté par le ministre des Forêts et de la Faune en mai 2022, l’on a enregistré 617 structures dans le système ;
1556 comptes utilisateurs créés par l’Administration et
les opérateurs ;
180 demandes de certificats de matérialisation des
limites soumises par les opérateurs dans le système et 123
approuvées par les délégations régionales ; 114 demandes de certificat de conformité des travaux d’inventaire soumises par les opérateurs et 106 approuvées par les délégations régionales ; 100 PAO (Plan annuel d’Opération) /CAE (Certificat annuels d’exploitation) signés et 67 en instance de signature ;33 839 lettres de voitures générées par les opérateurs ;
575 318,180 m3 de bois ont été enregistrés dans le
système. Bref, depuis son lancement officiel, à en croire ce bilan, le SIGIF II a permis la dématérialisation des procédures de gestion forestière et l’amélioration des recettes tout en réduisant les poches de corruption souvent favorisées par le contact direct des usagers avec le personnel. Des responsables en charge de la gestion du dossier n’avaient pas vu d’un bon œil le désir de l’Union et européenne et de Coopération allemande de s’approprier des codes-barres du SIGIF II qu’ils pensaient des éléments de souveraineté nationale camerounaise. Peut-être une concertation, pourrait lever les points d’ombre !
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