Celui à qui l’on reconnaît la première alerte d’une nouvelle épidémie de mpox en 2023, trône parmi les 10 scientifiques 2024 de la revue Nature. Il a travaillé dès le début de sa carrière, avec le Pr Jean-Jacques Muyembe, contributeur aux travaux de la découverte du virus Ebola.
Par Cérès Belinga avec Ird mag
Placide Mbala est l’un des dix meilleurs scientifiques, suivant le classement de la revue Nature. L’intérêt de ce scientifique pour le virus mpox (anciennement virus de la variole du singe) a débuté il y a plus de 15 ans. A peine sorti de la faculté de médecine de Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC), en 2006 ; le jeune médecin se sent attiré par le monde de la recherche. Il est accueilli par le Pr.Jean-Jacques Muyembe, éminent virologue congolais et qui a participé aux travaux de découverte du virus Ebola en 1976.
Invité par le Pr Muyembe à participer à un programme de recherche sur la caractérisation clinique du virus mpox à Kole, dans le centre du pays. « Pendant quatre années, Placide Mbala suit au quotidien des patients mpox afin de mieux comprendre l’évolution naturelle de cette maladie encore peu comprise, à l’origine de flambées épidémiques régulières en Afrique centrale et de l’Ouest, et dont les symptômes s’apparentent à ceux de la variole humaine officiellement éradiquée depuis 1980. Sans soins adaptés, la mortalité du mpox peut atteindre 10 %, voire un peu plus chez les enfants de moins de 5 ans », apprend-on de l’Ird.
Ces années sur le terrain restent les plus marquantes de sa carrière. « C’était une immersion totale dans le monde de la recherche, dans un coin très reculé où il n’y avait ni eau ni électricité », confie le Pr Mbala. Jour après jour, il compte et caractérise les lésions cutanées de ses patients, et consigne l’évolution de leurs symptômes. Un travail fastidieux qui ne fait que renforcer sa détermination.
Ebola et Covid-19 dans l’escarcelle du chercheur
Après un master en science de la santé publique obtenu en 2016 à l’Institut de médecine tropicale d’Anvers, en Belgique, Placide Mbala s’inscrit en thèse à l’université de Montpellier, unité TransVIHMI co-coordonnée par l’Ird, l’université de Montpellier et l’Inserm. Il suspend son travail sur le virus mpox pour celui de l’Ebola. « Suite à la grosse épidémie d’Ebola survenue en Afrique de l’Ouest en 2014, tous les financements de recherche étaient orientés vers cette maladie », a révélé le Pr Mbala. Il concentre principalement ses efforts sur la recherche du réservoir animal du virus Ebola. « La connaissance des réservoirs animaux des virus est indispensable pour mieux anticiper et contrôler les épidémies », a-t-il expliqué. Seulement, celui du virus Ebola demeure encore un mystère à ce jour : moins de 1 % des chauves-souris et aucun des singes testés pendant sa thèse présentaient des anticorps anti-virus Ebola, signes évocateurs d’un contact avec le virus
Ayant obtenu son doctorat, Placide Mbala va poursuivre son travail sur Ebola. Il est alors responsable du département d’épidémiologie et santé globale à l’Institut national de recherche biomédicale, à Kinshasa. Son équipe contribue à la découverte de deux médicaments efficaces contre Ebola (REGN-EB3 et mAb114), approuvés en 2020 par l’agence américaine des médicaments. Année aussi marquée par la pandémie de Covid-19, qui le mobilise fortement. Celui-ci s’intéresse, notamment à la circulation des différents variants du Covid-19 en RDC. Pour cela, le projet Afroscreen mis en place en juillet 2021 par l’Institut de recherche pour la développement, l’Institut Pasteur et l’Agence nationale de recherche sur le SIDA et les hépatites (Anrs) pour renforcer les capacités de séquençage des virus en Afrique, s’avère d’un grand soutien. « Plus tard, c’est aussi ce projet qui nous a permis de caractériser les virus mpox en RDC », a rapporté Placide Mbala.
Mieux comprendre ce nouveau variant
Le mpox revient effectivement en force dès 2022, provoquant une épidémie mondiale. « Auparavant cantonnée à l’Afrique, la lutte contre le mpox a pris à ce moment-là une dimension internationale », remarque le Pr Mbala. Mais alors que l’épidémie se calme en fin d’année 2022, son équipe est intriguée par l’apparition de nouveaux cas atypiques de mpox en RDC. Ceux-ci semblent affecter une population plus âgée, constituée d’adolescents et d’adultes plutôt que d’enfants, et présentent des lésions plus localisées, en particulier sur les parties génitales. Les analyses génomiques révèlent qu’il ne s’agit pas du clade 2b à l’origine de l’épidémie mondiale de 2022, mais du clade 1b, un sous-variant du clade 1 circulant traditionnellement en Afrique centrale. Le chercheur alerte immédiatement la communauté scientifique internationale et les pouvoirs publics. À raison : ce clade 1b se propage rapidement dans le monde entier, causant en 2024 une deuxième épidémie mondiale de mpox. Aujourd’hui, le Pr Mbala cherche à mieux comprendre ce nouveau variant, et notamment son mode de transmission entre les humains incluant les contacts sexuels. Plus de quinze ans après ses premiers pas dans le monde de la recherche, son engagement dans la lutte contre le virus mpox reste intact.
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