Chargée de recherche IRD-Geoazur, elle insiste sur le volet éducatif et sur la formation des étudiants dans le cadre de ce projet.
Par Sintia Dounang
Chargée de recherche IRD-Geoazur, elle insiste sur le volet éducatif et sur la formation des étudiants dans le cadre de ce projet.
Par Sintia Dounang
Qu'est-ce qui vous a poussé à vous intéresser à cette problématique ?
Le Cameroun dispose d’importantes ressources en eau de surface (rivières pérennes) mais qui sont vulnérables aux variations hydroclimatiques. Pendant la saison sèche, pour des raisons quantitatives mais aussi qualitative, ce sont les ressources en eau souterraine qui permettent de répondre á la demande, notamment dans les zones rurales où le réseau de distribution est peu développé. Dans un contexte de sollicitation croissante des systèmes aquifères et de gestion durable des ressources en eau (Objectif de Développement Durable n°6), le manque d’informations sur le milieu souterrain et l’extension et l’évolution des aquifères constitue un verrou pour l’accès aux ressources et leur gestion durable.
Comment comptez-vous lutter contre l’impact du dérèglement climatique sur les nappes d’eau souterraine à travers ce projet ?
Nous allons étudier l’évolution des nappes d’eau souterraine et leurs variations au cours des saisons sur un site instrumenté de référence. Le projet EDU-DELO, piloté par le Professeur Mbida à l’UY1 avec ses collaborateurs S. Koah, L. Onana, M. M. Ndam Njikam et des étudiants L. Messende, A.M. Meguedong Guedia et M.L. Gouertoumbo Mengang, ainsi que ses correspondants à Geoazur (moi-même avec mes collègues F. Jouffray, J. Balestra, B. Viguier et F. Bigot-Cormier) a permis l’installation d’une station météorologique multi-paramètre au Lycée Bilingue d’Application ainsi que la création d’un site d’Observation pilote à l’UY1, équipé de stations météorologiques multi-paramètres et de capteurs de pression-température dans les eaux souterraines pour quantifier les impacts des périodes de pluies et de sécheresses sur les variations des réserves d’eau dans les aquifères étudiés en parallèle par méthodes hydro-géophysiques. Le parc instrumental permettra à court terme (1) de quantifier les volumes d’eau de pluies par l’extrapolation des données des stations météo sur une surface bien contrainte, en prenant en compte les effet de l’évapotranspiration, (2) de suivre l’état piézométrique de la nappe et ainsi analyser sa réponse aux épisodes pluvieux comme aux périodes sèches et, (3) d’analyser les isotopes stables de l’eau (de pluie et de la nappe) afin de mieux caractériser la(es) source(s) d’alimentation (origine des masses d’eau, évaporation, recharge).
Cette approche pluridisciplinaire et combinatoire permettra de proposer une évaluation de la vulnérabilité des ressources en eau face aux différentes pressions climatiques et anthropiques. Le déploiement de ce réseau instrumenté de proximité constituera la première étape de la création d’un réseau permanent hydro(météo/géologique à l’UY1, lequel a pour objectif d’être pérennisé afin de servir á moyen et long terme à l’évaluation des effets du changement climatique dans la région. La création des bases de données à long terme constituera une ressource de premier ordre dans la quantification des effets du dérèglement climatique. En parallèle, grâce à la création d’une cellule éducative EDU-DELO à l'UY1 suivant l’exemple de EduMedObs (http://edumed.unice.fr/), piloté à Geoazur par J. Balestra et F. Jouffray, une action de médiation scientifique et de sensibilisation va être mise en œuvre pour faciliter la diffusion des résultats vers le grand public (science et citoyen), et notamment les scolaires (science et recherche). Le modèle crée sur ce site instrumenté pourra être étendu à d’autres sites d’intérêt. La plateforme de gestion et de diffusion des données EDU-DELO, suivant le modèle de EduMed-Obs permettra, dans le futur proche, d’intégrer le site instrumenté de l’UY1 à des réseaux nationaux/internationaux.
L'usage des forages est très fréquent au Cameroun. Dans quelle mesure cela peut avoir un impact sur la ressource eau ?
Sur le plan quantitatif, un réservoir d’eau souterraine est en bon état lorsque les volumes prélevés dans la nappe ne dépassent pas la capacité de renouvellement de la ressource et préservent l’alimentation en eau des écosystèmes de surface. Sur le plan qualitatif, autrement dit sur son état chimique, les nappes d’eau souterraine sont principalement détériorées par la contamination aux polluants comme les nitrates et les pesticides d’origine agricole. Par conséquent les forages et le pompage de l’eau doivent être effectués de manière optimale : il faut veiller à ce que l’eau souterraine reste en bon état en préservant son état quantitatif et son état chimique.
Après avoir obtenu les résultats recherchés à travers ce projet, qu'est-ce qui est prévu par la suite ?
Dans un contexte de changement climatique et de pénurie probable d’eau, des risques de conflits entre différents usagers, risquent de voir le jour. Pour anticiper et gérer ces conflits, une gouvernance multi-acteurs de l’eau est nécessaire et devrait être pensée. Elle permettrait notamment d’éviter une exploitation incontrôlée des réservoirs identifiés et cartographiés ainsi que la préservation des aquifères. Nous envisageons une collaboration avec les collectivités locales du Cameroun et des ONG pour que la gestion de l’eau devienne un enjeu de développement durable et que l’on puisse garantir le droit et l’accès à l’eau de manière organisée et équitable (ODD 6). Les résultats attendus auront des implications sur l’exploitation durable des aquifères et le développement socio-économique au Cameroun.
La formation d’étudiants est au cœur du projet afin de pérenniser nos actions qui visent à préserver l’eau, une ressource précieuse et vitale.
« Ce travail a bénéficié d’une aide du gouvernement français, gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre du projet Investissements d’Avenir UCAJEDI portant la référence n° ANR-15-IDEX-01 » ainsi que d’un financement BQR-SUR IRD à Geoazur. Nos remerciements vont à l'endroit des instances de l UY1 et du LBA d’avoir participé au projet ainsi que la Représentation de l IRD à Yaoundé pour le soutien et l'aide logistique.
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