Des populations de l’arrondissement de Guidiguis et de Kaélé, dans la région de l’extrême-nord s’opposent à la mise en œuvre de cet espace créé en 2020 par décret présidentiel. Celles-ci dénoncent leur non-implication dans ce projet.
Par Adrienne Engono moussang
Deux réunions de crise ont eu lieu le 12 février dernier. Une autour du Premier ministre Joseph Dion Nguté et une autre entre les autorités traditionnelles, des élites et le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Ndi. Le but était le même : ramener le calme et la sérénité sur le site du parc de Ma Mbed Mbed, après des mécontentements des populations.
En fait, la journée du 8 février 2025 a été tumultueuse dans la localité de Ma Mbed Mbed, dans les arrondissements de Guidiguis et de Kaélé, région de l’extrême-nord du Cameroun. Des populations en furie, essentiellement de la tribu Toupouri du Tchad et du Cameroun, armées de bâtons, de flèches et de machettes sont arrivées en nombre sur ce site de 181 km2 pour s’opposer à la création du parc national de Ma Mbed Mbed.
Ces populations qui vivent, pour la plupart, de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, dénoncent cette autre forme d’accaparement de leur terre car pensent-elles, la présence d’un parc va empiéter sur leurs parcelles sans compter le risque que le rapprochement des éléphants et autres animaux sauvages peut avoir comme impacts négatifs sur leurs activités. « Les éléphants ne font pas de distinction entre ethnies, religions ou professions. Leur présence est une menace pour tous, y compris le camp du Bir à moins de 12 km. Si l’État s’entête, l’extermination des éléphants deviendra inévitable », indiquent-elles dans une lettre adressée au gouverneur de la région de l’extrême-nord le 8 février 2025.
Objectif 30X30 pour la conservation
La poussée démographique, le développement des agro-industries avec son corolaire de spoliation des terres, la construction des infrastructures, sont des menaces pour la biodiversité qui a connu une baisse vertigineuse de plus de 70%, selon le rapport Planète vivante publié tous les deux ans par le Fonds mondial pour la nature (WWF).
Face à cet état de choses, 196 pays, réunis à Kunming au Canada ont signé un accord baptisé « pacte de paix avec la nature » le 19 décembre 2022 à Montréal au cours de la 15è Conférence des Nations Unies sur la Diversité Biologique.
L’accord couronnait ainsi des années de négociations lancées en 2018. Selon le WWF, « une vingtaine de mesures ont été décidées par les Etats afin de garantir une nature positive d’ici 2030, y compris l’objectif « 30x30 » : protéger 30% des surfaces terrestres et marines de la planète et restaurer 30% des terres dégradées d’ici 2030. Les pays se sont aussi engagés à créer des aires protégées sur 30 % de la planète ».
"L'accord de Kunming-Montréal représente une étape majeure pour le futur de notre biodiversité unique. Très concrètement, il nous faut travailler ensemble pour maintenir l’intégrité, la connectivité et la résilience de tous les écosystèmes de Madagascar. Nous devons continuer nos efforts pour restaurer les paysages dégradés et renforcer nos écosystèmes, notamment à travers nos réseaux d'aires protégées terrestres et marines. Et il faut absolument réduire les menaces et pressions sur la biodiversité si nous voulons contribuer efficacement à une nature positive d'ici à 2030. En tant qu'acteur historique de la conservation à Madagascar, le WWF se tient prêt pour soutenir et accompagner l'implémentation des engagements de notre pays en faveur de la biodiversité", avait alors commenté Fenohery Rakotondrasoa, Directeur de Conservation de WWF Madagascar. C’est dans cet ordre d’idées que le Cameroun, partie prenante de la Cop et signataire des accords y afférents, s’investit dans la création des parcs dont celui de Ma Mbed Mbed.
Mais, quoique salutaire, parce que s’inscrivant dans une volonté de conservation environnementale et de lutte contre le changement climatique, l’on déplore la non-prise en compte des besoins des communautés riveraines. « Les éléphants ne font pas de distinction entre ethnies, religions ou professions. Leur présence est une menace pour tous, y compris le camp du Bir à moins de 12 km. Si l’État s’entête, l’extermination des éléphants deviendra inévitable », a prévenu le professeur Ngoussandou Bello Pierre, coordonnateur national de Jag Sir, l’Association nationale culturelle Toupouri, Greenpeace Afrique abonde dans le même sens. « Ce parc a été créé pour la lutte contre le changement climatique et pour l’insertion socioprofessionnelle. Ce sont des objectifs à saluer. Toutefois, ce projet réduit considérablement les terres et ressources disponibles pour les populations locales », a regretté le Dr. Lamfu Fabrice, chargé de campagne forêt, appelle également à une révision du projet. Il attribue la genèse de ce type de conflits à l’absence du consentement libre, éclairé et préalable des populations locales dans la mise en œuvre des grands projets. « Lorsqu’une décision est prise sans leur consentement libre, informé et préalable, cela peut malheureusement conduire à des situations aussi délicates que celle-ci », a soutenu Dr Lamfu Fabrice.

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