Le quinzième rapport « Planète Vivante 2024 » du Fonds mondial pour la nature recommande une mobilisation plus forte des financements pour des actions en faveur du développement durable afin de freiner le pire. Le document présenté le 10 octobre prédit le désastre pendant les cinq prochaines années pour l’Afrique.
L’Afrique est, avec l’Amérique Latine et les Caraïbes politiques, l’une des régions de la planète qui perd lamentablement sa diversité biologique. Entre 1970 et 2020, en 50 ans, la taille moyenne des populations des vertébrés sauvages a baissé de 73% dans le monde. Un constat fait par le Fonds mondial pour la nature (WWF) dans son traditionnel rapport qui paraît tous les deux ans intitulé « Planète vivante ». Ce quinzième document, publié le 10 octobre 2024, propose aux gouvernements de prendre des mesures qui s’imposent pour mettre fin à cette saignée alarmante de la diversité biologique ; les ¾ des populations d’animaux sauvages ont été réduits. Aucun écosystème n’est ménagé ; les récifs coralliens, les savanes et les forêts tropicales... 85 % des écosystèmes d’eau douce de la planète sont affectés, avec des pressions croissantes sur les rivières, les lacs et les zones humides. Tandis que 69 % des écosystèmes terrestres déclinent dans le monde
Les activités humaines dont le changement d’usage des sols et la surexploitation des ressources, les barrages, la pollution, l’extraction d’eau et des sédiments, le surpâturage, ajoutés aux changements climatiques qui en découlent en sont les causes.

Le rattrapage reste possible
Selon le rapport, “malgré une production record, 735 millions de personnes se couchent chaque soir le ventre vide, les taux d’obésité augmentent, alors que près d’un tiers de la population mondiale n’a pas accès régulièrement à une alimentation suffisamment nutritive. La production alimentaire est l’un des principaux moteurs du déclin de la nature. Elle utilise 40% des terres habitables, est la principale cause de la disparition des habitats, mobilise 70% des ressources en eau et est responsable de plus d’un quart des émissions de gaz à effet de serre [,,,]”.
La situation est certes inquiétante, mais une volonté politique des décideurs, pour une synergie d’actions, peut aider à sauver la planète. Et le WWF pense que les différentes conférences des parties (sur la biodiversité, sur le changement climatique, notamment) prévues dans les prochains jours, se présentent comme des occasions idoines pour passer à l’action.
Le rapport du WWF propose, encore cette fois, comme pour les années précédentes, que les Etats revoient leur système de production et de consommation, à travers la mise en œuvre des plans nationaux qui prennent en compte la réduction des émissions, la préservation de la nature et du climat (NBSAPs et NDCs) la “mobilisation des financements conséquents aussi bien publics que privés, nécessaires pour impulser le développement durable. Pour cela, la promotion des bonnes pratiques, comme le boisement/reboisement est vitale pour l’économique, l’écologique et la société, tout comme une politique bien pensée pour une bonne transition énergétique, une révision des plans d’occupation des sols pour quelques embellies.

10.000 hectares de mangrove se sont évaporés
L’Afrique, plus que jamais, semble mal partie d’ici cinq ans. « La biodiversité africaine appelle une action urgente. Les crises interdépendantes de la perte de biodiversité et du changement climatique poussent la faune et les écosystèmes africains à leurs limites, avec des points de bascule mondiaux menaçant de déstabiliser des écosystèmes entiers », alerte Martin Kabaluapa, le Directeur Régional pour le Bassin du Congo au WWF.
Une situation paradoxale pour ce continent qui subit les effets des changements climatiques sans moyens pour s’en défendre. Les évènements de ces derniers temps, avec le Cameroun, le Nigeria et le Tchad, entre autres, où depuis juillet 2024, des fortes pluies ont causé des inondations avec des dizaines de milliers de sans abris, et des pertes en vies humaines, en sont une illustration. Encore une fois, au Cameroun, le déploiement des autorités pour des secours aux sinistrés pousse certains observateurs à se demander pourquoi l’accent n’est-il pas mis sur la prévention avec la promotion de la préservation de la biodiversité, par exemple?
En fait, le 21 février 2021, lors de la présentation du guide « Le bien être des communautés locales, des peuples autochtones, le développement économique et la stabilité de nos sociétés » qu’il a produit avec l’appui de l’Agence française de développement (AFD), le Fonds mondial pour la nature, Bureau national relevant qu’au Cameroun, 10.000 hectares de mangrove se sont évaporés et 346.000 hectares de forêts denses ont été convertis essentiellement pour la monoculture. Une perte énorme qui pourrait s’accentuer, si rien n'est fait.

Stratégie nationale de développement 2030
L’Afrique peut bien avoir son mot à dire dans les différents débats planétaires sur la biodiversité et sur le climat. C’est le continent qui pollue le moins, et qui abrite l’un des poumons écologiques de la planète, le Bassin du Congo, riche en diversité biologique. Pour Jonas Kemajou, Expert en finance climat au WWF, il faut valoriser cette richesse en la préservant dans une perspective du marché carbone. Bien possible !
En effet, le rapport de l’Observatoire national sur les changements climatiques (Onacc) présenté le 23 août dernier intitulé: « Inventaire des gaz à effet de serre du secteur de l’agriculture, foresterie et autres affectations des terres (AFAT) dans les zones agro-écologiques soudano-sahélienne, les hautes savanes guinéennes et des hauts plateaux de 2010-2022 » révèle que les cinq zones agro-écologiques du pays, ont séquestré plus de quatre milliard de tonnes de carbone dans le secteur AFAT. Un potentiel important à valoriser dans la lutte contre les changements climatiques. C’est d'ailleurs, par la valorisation du potentiel carbone que l’Amazonie et le Bornéo Mékong ont obtenu plus de financement climat que le bassin du Congo, à en croire Jonas Kemajou et d'autres experts.
En 2021, le Cameroun, partie prenante des Conventions des Nations Unies sur le changement climatique, a révisé sa Contribution déterminée au niveau national avec pour but de réduire de 35%, ses émissions de gaz à effet de serre à partir du niveau de 2010, d’ici 2030. Seulement, le document s'aligne sur la Stratégie nationale de développement 2030 (SND30) qui met un point d’honneur sur l’exploitation des ressources naturelles du sol et du sous-sol pour l'émergence du pays. Un challenge pour la biodiversité nationale, dirait-on ! En tout cas, les responsables du Fonds mondial pour la nature ont promis de communiquer un peu plus sur le rapport afin de toucher le maximum des décideurs au monde.
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